Et les pacifistes alors ?
Il n’était pas facile en juillet 1914 de tenir un discours
pacifiste. La perte de l’Alsace-Lorraine, après le Traité de Francfort de 1871,
était vécue comme un deuil national, entretenu dans l’esprit de la jeunesse par
les instituteurs, ces « hussards de la République », comme on les
appelait. La durée du service militaire était de sept ans, période durant
laquelle les officiers supérieurs se faisaient craindre et respecter, et
imposaient leur sens de la discipline et le devoir patriotique. Le prestige de
l’uniforme imprégnait tous les esprits, et la caste militaire bénéficiait d’une
grande considération dans tous les milieux. Même les Chrétiens s’étaient mis à
honorer plus particulièrement Jeanne d’Arc, cette héroïne animée d’un esprit
divin, qui avait aidé militairement Charles VII à reconstituer l’intégrité de
la terre de France, menacée d’être soumise à l’étranger. Dieu lui-même aimait
la France et appelait au patriotisme et au sacrifice.
Dans ces conditions, le socialiste Jean Jaurès montra un
grand courage à tenter de couvrir le brouhaha des bellicistes, par un appel à
la civilisation, à la raison et à la paix. Il fut raillé par la presse,
soupçonné d’être un agent de l’Allemagne, et finit par être assassiné le 31
juillet 1914, deux jours avant le
commencement de la guerre.
Voici deux extraits du discours qu’il tenait à Rochefort le
5 juillet 1914 :
« Nous sommes dans une Europe qui se prétend civilisée.
Voilà vingt siècle qu’est mort sur le gibet du Calvaire l’homme dont des
milliers et des milliers de chrétiens ont fait leur Dieu, et il disait :
Paix aux hommes de bonne volonté. Et comme lui nous disons : Paix entre
les nations et que les peuples règlent leurs différends par la raison et par
l’arbitrage au lieu de se déchirer les
entrailles.[…]
A chaque instant, à chaque minute, les hommes interrogeant
l’horizon, se disent : est-ce qu’on ne va pas être appelés à la
guerre ? Pourquoi, ô mort ! viens–tu prendre des milliers et des
milliers d’êtres pour les dévorer ? Quel est ton titre ? Que
veux-tu ? – Alors on dit : il y a un traité secret… Régime
absurde ! Et même quand elle n’éclate pas, la menace de guerre laisse un
froid entre les nations. On se menace, on se regarde d’un œil sombre :
Toi, tu veux m’attaquer. – Non, c’est toi… C’est là toute l’histoire… »
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